Leonardo Cammarano nous a quitté

Leonardo Cammarano nous a quitté


La première fois que j’ai croisé Leonardo, c’était à la suite d’une invitation d’Angela, sa femme, dont je venais de faire connaissance. J’avais été impressionné par l’élégance de cet homme très beau, assis au coin d’un feu dans un petit fauteuil, et qui s’était levé pour me saluer malgré ses 90 ans.

Elégance extérieure d’abord, car il portait un costume tiré à quatre épingles, avec un tel naturel qu’il ne pouvait le porter que quotidiennement. Et puis son élégance tout court : une voix ténue mais des propos forts, un sérieux toujours trahi par un brin de folie et un sourire au coin des lèvres, une prévenance et une écoute qui disaient son intérêt et sa curiosité pour les autres, une fragilité douce, mêlée à une détermination sereine et tranquille, et par dessus tout, cette distinction unique, fruit de l’érudition d’une vie et de ses ascendances artistiques.

Car il y avait ces peintures, partout, les peintures de Leonardo, délicates, chatoyantes et tendres, qui illuminaient la maison et étaient autant de preuves d’un univers riche et d’une fulgurante simplicité, que de fenêtres vers ses mondes réels ou imaginaires. Ces peintures ont créées un pont entre Leonardo et le photographe en moi, permettant quelques mois plus tard de faire découvrir et d’offrir aux Vertugadins l’exposition de quelques unes de ses toiles, dans notre église, celle dans laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui, autour de lui, pour la deuxième fois.

Il y avait eu, ce premier soir, beaucoup de rires, des discussions passionnées, des altercations et de nombreuses levées de verres. Cette première rencontre fut suivie de quelques autres, avec toujours le même bonheur, de retrouver ces éternels amoureux, Angela et Leonardo, et de témoigner du bonheur profond qui émanait d’eux.

Vertugadin d’adoption, et depuis de nombreuses années, Leonardo Cammarano était né à Naples en 1930. Fils d’une artiste accomplie, illustratrice, peintre et pianiste de grande valeur, Leonardo avait grandit baigné dans le monde des Arts et fait ses premières expériences aux coté de sa mère. Très tôt, la peinture était devenue une deuxième langue pour le jeune homme et Leonardo Cammarano l’étudia très sérieusement, en Italie, en France et en Espagne. 

Tout en restant toute sa vie un peintre, Leonardo devint également écrivain-essayiste, philosophe, critique d’art, traducteur, « Intellectuel » en somme, dans l’acceptation que nous en a laissé le 20ème siècle. Nous avons souhaité, pour mieux garder Leonardo avec nous, vous faire entendre ses propres mots, et vous donner à gouter, à travers l’extrait suivant, le contraste entre l’apparente simplicité de ses tableaux et la densité de ses écrits :

« Chaque fois qu’elle constate que «le temps passe», la conscience s’étonne. Cet émerveillement sacré a touché Marcel Proust au point qu’il lui a fallu écrire là dessus sept volumes de merveilleux souvenirs émerveillés. C’est le monde des choses qui s’écoule ; nous, nous ne faisons que le poursuivre et chaque fois tenter de rétablir l’éternel présent.

Son fantôme (de la Conscience) parle maintenant ce langage second – premier quant à son importance – qui, de chaque chose et de chaque personne, raconte ce qui reste d’elles, quand enfin apaisé le vacarme du monde, elles se présentent en pleurant, comme purifiées, devant l’autel du temps. En montrant d’elles-mêmes, tout simplement, ce qu’elles signifièrent, bien au delà de leur urgence pratique : leur être. »

Depuis notre première rencontre, Leonardo m’accompagne. Sur le mur de mon salon une de ses toiles accroche mon attention quotidiennement, et diffuse sa beauté et la générosité de son regard. Leonardo nous accompagne et continuera de le faire longtemps, nous rappelant chaque jour la tendresse du monde.

Le maire


 

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